
Psychologue en maternité
- Publié par Marie Fournier-Bidoz
- Le 12 avril 2020
Les psychologues sont de plus en plus présents à l’hôpital. Toutefois, leur entrée dans le royaume des médecins et des infirmières suscite parfois des interrogations.
Voilà bientôt deux ans que j’exerce, parallèlement à mon activité en libéral, au sein du pôle Femme Mère Enfant de l’Hôpital d’Annecy (CHANGE). Chacune de mes rencontres me rappelle à quel point « l’univers bébé » est si fort, si doux, si intense et parfois si dur. Il est courant d’associer la grossesse, la naissance ou bien encore la parentalité à un univers très coloré et attendrissant. La réalité peut être autre… Une réalité parfois douloureuse et inquiétante. Un univers qui peut à la fois côtoyer la vie mais aussi la mort. Une mort insensée.
Spécialiste du psychisme, le psychologue se doit d’ouvrir la parole au vécu de chacun. Un vécu qui ne peut être commun. Un vécu qui va bien au-delà de ce que « l’on croit », de ce « qu’il est dit et raconté ». Un vécu qui peut accueillir joie mais aussi déception, craintes, douleurs. Un chemin semé d’ambivalences qui n’est finalement que légitimité si l’on entend l’intensité de cet « univers bébé ».
Cette approche intersubjective me semble aujourd’hui essentielle. Le psychologue aurait ainsi un rôle à jouer au cœur de ces services et de ces moments de vie qui peuvent être merveilleux comme douloureux.
Les études en psychologie ont montré, au fil du temps, à quel point la petite enfance mais également la vie intra utérine représentaient des moments de vie majeurs et déterminants au devenir de chacun. En effet, la manière dont le bébé va être désiré, porté (physiquement et psychiquement), investi, éduqué, accompagné, va façonner son être. Son « être enfant », puis son « être adulte ». Mais voilà, pour pouvoir accompagner son bébé, « l’élever », l’aimer, il semble nécessaire d’être aussi, en tant que mère et femme et en tant que père et homme, accompagné, porté, écouté et ainsi soutenu.
Vouloir un bébé, l’attendre, lui donner la vie, tout un monde qui semble ne représenter que bonheur et réjouissance. Il semble aujourd’hui indispensable de considérer cette partie « douce » de la parentalité. Mais il me semble, encore plus que nécessaire, de considérer la partie mouvementée et parfois très épineuse de ce devenir parents.
En effet, la périnatalité ne comprend pas seulement attendre un enfant, le porter et l’accueillir. Elle intègre, dans son vaste champ, le désir d’enfant, la difficulté à concevoir, le décès périnatal, la prématurité, l’accouchement « traumatique » mais aussi l’impossibilité à créer du lien, à aimer, à porter, à accompagner. Loin de l’image Épinal, ce monde périnatal peut être parfois très attendrissant mais aussi source d’angoisses et de souffrances.
Le support psychique pouvant être représenté par la présence d’un psychologue permettrait à chacun d’être entendu dans ses difficultés, ses doutes et ses peurs. Nul jugement à avoir. Simplement entendre. Puis transformer, avec le temps, et accompagner jusqu’à plus de légèreté. Il est évident que le temps psychique n’est en rien comparable au temps médical. On n’apaise pas la douleur physique comme on apaise la douleur psychique. Ouvrir la parole et l’écoute à ce couple en mal d’enfant, accompagner cette femme pour qui cette grossesse semble si fragile, écouter ce couple débordé par l’admiration de ce tout petit bébé mais aussi cette crainte immense de ne pas être à la hauteur… c’est rendre légitime les ressentis de chacun, quoi qu’il en soit. Tout un travail qui me semble aujourd’hui indispensable.
Indispensable pour ces femmes, ces hommes, ces bébés, mais aussi ces soignants qui accompagnent ces temps de vie si forts et parfois fragiles.
« C’est à pouvoir rencontré l’imprévu, qu’il faut être préparé et non à tout prévoir. » G. Favez
Marie Fournier-Bidoz, psychologue clinicienne et psychothérapeute
0 Commentaires