
L’enfant « difficile »
- Publié par Marie Fournier-Bidoz
- Le 29 août 2016
Du haut de ses 5 ans, Louis se met très fréquemment en colère à la maison. A la moindre frustration il se roule par terre et s’en prend à sa mère. Il lève la main sur elle, hurle et ne peut se calmer que s’il est isolé dans sa chambre. Le père de Louis ne comprend plus son fils. Les limites posées par ses parents n’ont plus aucun effet. Louis est constamment en colère et ne supporte aucune frustration. S’habiller le matin, mettre ses chaussures, sortir en famille, sont devenus de réelles épreuves !
Lorsqu’on interroge l’enseignante de Louis, nous découvrons un tout autre enfant : calme, attentif et très discret. Il est décrit comme parfaitement intégré dans la classe et très obéissant. La mère de Louis affirme que son fils est un tout autre enfant à l’école. Madame est très affectée par cela et ne parvient pas à comprendre le comportement de son fils.
En consultation thérapeutique, Louis est un petit garçon très discret. Il joue en silence et est très observateur ! Il cherche très souvent le regard de ses parents. Parfois, il vient poser une main sur sa mère ou bien donne un dessin à son père. Difficile d’imaginer Louis comme un enfant « terrible » !
« Depuis dix ou quinze ans, nombreux sont les pédiatres confrontés au même constat : les enfants qu’ils voient en consultation présentent fréquemment des troubles du comportement et du développement allant des difficultés relationnelles aux problèmes scolaires, de l’hyperactivité au retard de l’acquisition du langage » (Cf. Le Cercle psy. Un enfant difficile, ça veut dire quoi ?)
L’enfant change souvent d’attitude en fonction de son environnement. Chaque source d’information : la mère, le père, l’enseignante, le psychologue… apporte son lot de « vérité » et permet de comprendre au mieux le comportement de l’enfant. Très souvent plusieurs « facettes » sont rapportées par les parents. Son comportement à l’école n’est pas toujours très représentatif de son comportement à la maison.
Un enfant en colère, difficilement gérable, nous transmet un message, il nous parle de ce qu’il se passe pour lui à sa façon. Répondre, taper, pleurer, sont des moyens « simples » pour lui. Il exprime un mal être à la hauteur de ses possibilités. Exprimer verbalement sa colère, ses doutes, ses peurs, n’est pas possible pour l’enfant : il n’en a pas les capacités.
L’enfant en colère décharge une tension trop importante qui s’impose à lui. Un enfant qui hurle, qui se met dans un état de détresse trop intense, est un enfant qui vient nous raconter quelque chose. Son comportement est ainsi symptomatique d’un malaise ou d’un mal-être.
Tout comme l’adulte, le jeune enfant cohabite avec un grand nombre d’émotions. A la différence de son parent, il n’est pas capable de relativiser ni de comprendre aisément ce qui le blesse ou bien le met en colère.
Consulter avec son enfant, c’est permettre à chacun d’être entendu (à différents niveaux) dans ses doutes et ses angoisses. Le psychologue accueille l’incompréhension des parents mais accueille également les angoisses de l’enfant. En consultant avec ses parents, il se sent compris et entendu. Il suffit parfois de seulement une ou deux rencontres pour lui montrer l’intérêt qui lui est porté. Afin de comprendre ses colères, son mal-être, il faut s’interroger sur ce qu’il peut vivre ou bien ce qu’il a pu vivre dans les mois/semaines qui ont précédé.
- Dort-il suffisamment?
- Y-a-t-il eu des évènements lors des dernières semaines/mois? (Décès, conflits, changement de nourrice, entrée en crèche/école…)
- Comment est votre enfant à l’école? (camarades et enseignants) Comment s’y sent-il?
- Y-a-t-il eu des changements de votre côté/ au niveau familial? (Déménagement, séparation, …)
- Comment se sont passées les premières années de vie de votre enfant? (naissance, sommeil, alimentation, séparation…)
L’engagement de la famille est un facteur majeur de réussite dans la prise en charge de l’enfant. Il faut garder en tête que seul le comportement est difficile, mais pas l’enfant lui même. Parler de lui comme « difficile », « dur », « terrible », ayant un « mauvais caractère » peut avoir un impact négatif sur l’estime qu’il a de lui même. Il enregistre le négatif et se conforte dans le fait qu’il soit « difficile ». Parler d’un enfant de trois ans comme ayant « un fort caractère », comme étant « manipulateur », « égoïste » n’arrange en rien la situation. Tous les enfants ont Un caractère. Il n’est ni mauvais, ni difficile… Seuls les actes peuvent être connotés de mauvais et non l’enfant lui-même.
En observant des enfants au square, en crèche, en école maternelle, j’ai souvent assisté à cette même scène où l’enfant arrache le jeu d’un de ses camarades pour pouvoir y jouer à son tour. Ou bien le pousser fortement pour s’emparer de ce jeu. Il est évident que le geste n’est pas acceptable. Il vient priver, violemment, un enfant de son jeu. Reprendre ce geste en expliquant qu’il ne peut agir comme cela est une chose mais reprendre l’enfant en le pointant directement en est une autre. Presque à chaque fois, j’ai pu entendre, chez l’adulte, des remarques comme « tu n’es pas gentil », « tu dois prêter tes jeux, tu es égoïste », « tu es méchant! ». L’enfant n’assimile pas ces remarques comme étant en lien avec l’évènement qui vient de se produire mais intègre rapidement l’idée qu’il est « un enfant méchant ». Il est primordial de garder en tête que votre enfant n’est ni dur, ni égoïste, ni mauvais… Il est tout simplement un enfant qui n’a pas les mêmes « codes » que l’adulte. Toutefois, ces quelques indications n’excluent pas le fait que l’enfant a besoin d’être repris par l’adulte. Il doit lui être dit que d’arracher un jeu, pousser, mordre, sont des gestes interdits. Il n’a pas le droit de recommencer et il doit attendre son tour pour jouer ou trouver un autre jeu, en attendant. Toutefois, toutes ces remarques devront certainement être dites à plusieurs reprises! L’enfant doit assimiler les interdits et cela prend, naturellement, un certain temps.
L’enfant, petit, teste, régresse, cherche, brave les interdits. Finalement, comme l’adulte qui sait pertinemment qu’il ne peut excéder les 130 km/heure sur l’autoroute mais qui le fait quand même…
Marie Fournier-Bidoz
Psychologue clinicienne, psychothérapeute
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