
« Mon enfant ne prête pas… ET ALORS? »
- Publié par Marie Fournier-Bidoz
- Le 5 octobre 2016
Prenons deux situations :
- L’une où l’on vous arrache votre téléphone des mains
- Et L’autre où Manon, 3 ans, se fait arracher son beau sceau bleu des mains
Situation 1 :
Vous êtes assis tranquillement sur un banc, attendant votre ami. Vous pianoter sur votre portable. La musique vous berce et vous zigzaguez entre vos messages, vos jeux, vos mails…
C’est par grande surprise et frayeur que vous vous faites arracher votre portable – chéri- des mains. Votre voisine de banc vous zyeutait depuis un certain moment et il semblerait qu’elle était follement passionnée par votre portable : plus grand, plus beau et plus performant que le sien ! Bref, vous êtes abasourdi et ne vous gênez pas pour l’incendier et la traiter de folle ! Vous êtes visiblement très en colère… Normal me direz vous… Même les voisins de banc portent sur la « voleuse » un petit regard haineux.
Situation 2 :
Manon est assise au square. Elle met du sable dans son sceau. Sa mère est assise au coin du parc et veille sur elle. Manon a 3 ans et est très fière de son beau sceau bleu.
C’est par grande surprise et frayeur que Manon se fait prendre son beau sceau. Mia qui était assise à côté à préférer ce jouet à son petit camion rouge. Manon pleure et s’agrippe à son sceau ! Pour le récupérer elle pousse même Mia en arrière (Malheur !!) – ce qui la fait tomber violement. La maman de Manon qui voit sa fille pousser Mia se précipite auprès des deux fillettes. Manon se fait réprimander et il lui est fortement reproché de ne pas prêter ses affaires ! Pousser Mia n’est pas une solution et « ça ne se fait pas ! ».
Ces deux histoires sont tout à fait similaires… La première vous paraît certainement improbable alors que la deuxième vous semble plus « courante ». Se faire arracher son portable ou bien même le prêter n’est pas concevable. Nous, adultes, nous ne prêtons pas nos vêtements, ni notre téléphone, ni notre vélo, au premier venu (et même aux personnes les plus proches…).
En observant des enfants au square, à l’école, j’ai pu remarquer cette « manie » qu’ont les adultes à vouloir transmettre à l’enfant que « prêter c’est bien », « prêter c’est gentil » et ainsi leur renvoyer que de ne pas prêter c’est être « méchant » et « égoïste ».
Se mettre 5 minutes à la place de l’enfant s’est prendre conscience de son « petit monde ». Pourquoi prêterait-il « gentiment » son jeu alors qu’il est à lui ? Pourquoi se priverait-il du plaisir de jouer pour cet autre enfant ?
Parce que oui, pour l’enfant : un beau sceau, une belle petite voiture, un poupon, un super tracteur, équivaut à votre téléphone, votre sac à main, votre vélo, votre montre… !
L’enfant doit avoir des limites, intégrer des interdits, respecter les autres… Mais, avant de le reprendre, imaginez vous quelques minutes, quelques secondes à sa place…
Reprenons la situation de Manon. Comment faut-il (ré) agir ?
Pour Manon :
- Emotion. Relever sa colère est très important. Manon a le droit d’être fâchée et cela doit lui être retourné. « Tu as raison d’être en colère Manon, je comprends. Tu n’es pas contente car Mia t’a arraché ton sceau… »
- Interdit/limite. Il doit lui être dit qu’elle n’a pas le droit de pousser, qu’il est interdit d’agir comme cela. « Tu peux dire non ou m’appeler ! ».
- Proposition : « Tu peux garder ton sceau. Si tu as envie de jouer avec Mia tu peux lui dire mais tu n’es pas obligée. On va trouver un autre jeu pour Mia ».
Pour Mia :
- Emotion. « Mia, je sais que tu as très envie de jouer avec ce beau sceau, qu’il te plait beaucoup, mais il n’est pas à toi. Manon est en train de jouer avec ».
- Interdit/limite. « C’est interdit d’arracher le sceau de Manon Mia. Tu peux le montrer, lui demander, mais tu n’as pas le droit de tirer le sceau comme cela ».
- Proposition. « Je vais t’aider à trouver un autre jeu. – oh regarde le super toboggan… -Manon joue avec son sceau pour le moment ».
Relever l’émotion de l’enfant avant d’évoquer l’interdit, la limite, lui permet d’être entendu. Le cerveau de l’enfant, en bas âge, est encore immature. Il n’a donc pas les capacités de penser la situation et de se dire « non je ne vais pas lui prendre son sceau ça ne se fait pas » ou bien « je ne vais pas la pousser, je vais lui expliquer… ». Tout cela s’apprend… De par son immaturité, l’enfant a réellement besoin de l’adulte pour apprendre, découvrir et comprendre le monde qui l’entoure.
Marie Fournier-Bidoz
Psychologue clinicienne, psychothérapeute
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