
Quel regard porté sur l’enfant?
- Publié par Marie Fournier-Bidoz
- Le 18 avril 2016
« Sara, 4 ans, est au square avec sa maman. Elle court dans tous les sens, rit avec d’autres enfants, enfouie ses mains dans le sable … Tout laisse à penser qu’elle passe un bon moment et n’est pas prête à rentrer à la maison.
19h pile : la mère de Sara jette un coup d’œil à sa montre et se lève rapidement. Elle s’approche de Sara et lui dit qu’elles doivent partir. Madame s’avance vers le portillon du parc et appelle une nouvelle fois Sara qui fait la sourde oreille. Pressée, elle attrape sa fille par la main et lui ordonne de sortir du parc. S’ensuit une grosse colère de la part de Sara qui se roule par terre et évoque clairement son mécontentement à sa maman »
Le rapport adulte/enfant n’est pas égal : c’est le rapport du plus faible au plus fort. L’enfant est fragile, vulnérable et très dépendant de son entourage. Il ne maitrise, finalement, pas grand chose. La notion du temps est entièrement floue. Il va de soi que dans dans la situation de cette petite Sara, l’appel de sa mère est brutal et complètement inattendu. Comment Sara pourrait-elle, du haut de ses 4 ans, comprendre l’urgence dans laquelle se trouve sa mère ? Comment peut-elle se dire qu’il est effectivement tard et qu’il est l’heure de rentrer dans l’immédiat ?
Dès que l’enfant arrive au monde il cherche à entrer en relation avec les autres. Il a en lui de nombreuses capacités pour créer des liens. Même sans paroles, le nouveau né raconte énormément aux travers de ses expressions, de son corps et de ses pleurs. Le répondant de l’adulte face à ses « appels » est primordial. S’il prend son temps et s’il est suffisamment disponible pour décrypter les intentions de l’enfant, l’adulte a tout à fait les capacités intuitives pour le faire.
Dès sa naissance, le nourrisson ressent l’état émotionnel de son entourage. Il est entièrement capable d’empathie affective.
En revanche, il faut du temps, quelques années, pour que l’enfant puisse mettre des mots sur ses émotions. S’il est soutenu, progressivement, par l’empathie de l’adulte, il apprendra à sentir ce qu’il ressent.
Exprimer ce qui nous émeut est un besoin vital, très profond quelque soit l’âge. Le jeune enfant, contrairement à l’adulte, n’est pas en capacité de réflexion et de prise de recul sur ses propres émotions. La situation de Sara, au square, nous évoque tout à fait justement, la réelle incapacité pour le jeune enfant à faire preuve de discernement.
Pendant la période de la petite enfance, le cerveau, très immature, est en pleine formation. Le jeune enfant est fragile et très influençable. La plupart des adultes méconnaissent les étapes de maturation émotionnelle et affective de l’enfant. Ils sont très attentifs aux étapes du développement moteur de l’enfant, à l’âge auquel il « devrait » se mettre debout, marcher, manger seul, parler etc. Mais très peu connaissent les stades du développement de la vie affective et des réactions émotionnelles. Ces méconnaissances peuvent conduire à des réactions et des attitudes parfois peu adaptées à l’âge de l’enfant.
Une grande partie du cerveau se forme au cours des cinq premières années de la vie. D’un point de vue neurologique, Catherine Gueguen, pédiatre rappelle « ces deux points essentiels :
- Tant que le cerveau n’a pas atteint sa pleine maturité, les processus de gestion des émotions, des affects ne sont pas totalement fonctionnels. Cela explique les difficultés que l’enfant peut avoir à se contrôler.
- Les expériences que vit l’enfant ont un impact sur son cerveau et influencent ses réactions psycho-affectives et sociales. »
Le petit enfant n’a pas, physiologiquement, la capacité de gérer l’ensemble des situations et des émotions auxquelles il est confronté. En pleine colère, ce n’est pas que l’enfant ne veut pas ou ne sait pas, c’est qu’il ne peut pas la contrôler. Ses structures et réseaux cérébraux ne sont pas encore suffisamment fonctionnels.
Une relation emphatique est décisive pour permettre au cerveau des enfants d’évoluer au mieux, en déployant pleinement ses capacités intellectuelles et affectives.
« Il n’est qu’un luxe véritable, c’est celui des relations humaines »
Saint-Exupéry, Terre des hommes.
Marie Fournier-Bidoz
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